Pour cette période, c’est Bernard Gouraud qui vous propose une sélection de livres.
Pour mémoire, la sélection est ouverte à tous, nous comptons sur votre participation pour nous proposer des livres qui vous ont passionnés. Nous les mettrons avec plaisir dans notre catalogue. Merci.
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La sélection de l’été 2024
5 livres,
- le labyrinthe des égarés, Amin Maalouf
- mai 67, Thomas Cantaloube
- les enfants de Staline, Owen Matthiews
- le chaos dans les veines, Cécile Cabanac
- les naufragés du Wager, David Grann
Amin MAALOUF
Né en 1949 à Beyrouth, il y passe son enfance et part avec sa famille vivre en Égypte. Après des études supérieures au Liban il devient journaliste et rejoint la France en 1975 pendant la guerre du Liban ou il travaille comme rédacteur en chef de Jeune Afrique. Il obtient le prix Goncourt et se consacre à l’écriture. Il est élu secrétaire perpétuel de l’Académie Française en 2023.
Le Labyrinthe des égarés
Au travers de l’exemple de quatre pays, le Japon, la Russie, la Chine et les Etats-Unis, l’auteur examine le destin de ces pays qui ont voulu défier l’Europe et son modèle de domination du monde depuis l’époque de la Renaissance.
Avant de s’intéresser aux États-Unis, la grande superpuissance, il nous décrit les expériences de trois pays qui se sont opposés à la brutalité de l’impérialisme occidental. Le point commun de ces pays (Japon, URSS, Chine) est qu’ils sont tous partis d’une volonté anti-impérialiste et que, encouragés par leurs premiers succès, ils se sont tous transformés en régime dictatoriaux et impérialistes :
- le Japon, a connu sous l’ère Meiji au 19ème siècle un fantastique décollage économique. Il a entrepris de se moderniser en s’inspirant de l’Occident. Les succès qu’il a rencontrés face à la Chine en 1895 et face à la Russie en 1905, lui ont donné envie d’aller plus loin, mais cela a entraîné le pays vers des aventures militaires trop ambitieuses (Corée,..) jusqu’à l’attaque de Pearl Harbour contre les Américains en 1941..
- la Chine est un peu différente puisque son décollage va avoir lieu beaucoup plus tard.. L’expansion économique a été fulgurante pendant les trente dernières années mais les dirigeants se sont quelque peu écartés des sages préceptes de Deng Xiaoping qui disait qu’il fallait rester modeste et garder de bonnes relations avec l’Occident comme avec le Japon.
- le système soviétique, quant à lui, après avoir attiré beaucoup d’enthousiasme, a fini par apparaître comme un repoussoir. Maalouf montre comment les guerres liées à la faillite de l’URSS se propagent et durent. La guerre est aujourd’hui revenue au cœur de l’Europe !
Ce livre montre la part de responsabilité des pays occidentaux dans l’évolution de la Russie depuis 1989. Ainsi le soutien des Etats-Unis à l’Afghanistan, face à l’URSS, a eu des effets désastreux et qui se prolongent encore aujourd’hui De même la victoire des USA face à l’Irak est une illusion, avec un devoir de reconstruction du pays qui n’a pu être réalisé. Ce qu’ils ont magnifiquement réalisé en Europe au sortir de la guerre avec le Plan Marshall, n’a pu être reproduit.
J’ai apprécié l’histoire de la Chine avec des passages peu connus de l’Histoire mondiale :
- le prince chinois Zhu Di qui domine les mers vers 1400, grâce à un amiral de génie : l’amiral Zheng He.
- les guerres de l’opium en Chine au 19ème siècle ainsi que leur impact dans les relations Occident/Asie.
- le rôle de la redoutable impératrice douairière Cixi (Tseu-Hi) qui refuse les réformes et qui joue un rôle dans la révolte des Boxers.
Un livre pour ceux qui s’intéressent à l’HISTOIRE et à la compréhension du monde contemporain.
Thomas CANTALOUBE
Né en 1971 à Paris, il est diplômé de Sciences-Po Paris et du Centre de formation des journalistes. Il travaille en France et aux USA; plutôt engagé à gauche, il participe à la création de Médiapart et décide en 2020 de se consacrer à l’écriture.
Mai 67
Un vieil homme fatigué s’installe à la place où habituellement il exerce en toute légalité son métier de cordonnier. Pour le faire partir, un commerçant le traite de « sale nègre » et lâche son chien sur lui. Des badauds se groupent, tentent de protéger le vieil homme. Certains jettent des pierres sur la vitrine du commerçant qui continue à insulter tout le monde, y compris les policiers qui s’en sont mêlés. Les troubles vont durer 48 heures et puis tout va se calmer. Mais la colère ne s’atténue pas …
Luc Blanchard, ancien flic devenu journaliste, et sa compagne guadeloupéenne, Lucille, ont une petite fille et vivent paisiblement. Sirius Volkstrom, alias Pierre l’Herbier, mercenaire, émarge à la CIA pour entraîner des Cubains anticastristes. Antoine Lucchesi, ancien trafiquant de drogue, semble sorti des affaires louches. Il convoie plusieurs fois par an de luxueux bateaux dans différents ports pour de riches propriétaires. Il n’a pas revu Luc, mais ils avaient sympathisé, et comme il se rend à la Guadeloupe, ce sera une bonne occasion de se rencontrer…tout cela dérape …
Cantaloube expose une époque où les morts locaux, et les circonstances de leur décès, ne pèsent pas lourd face à la politique métropolitaine. Il faudra une commission d’enquête présidée par Benjamin Stora pour conclure en 2016 que les dérapages policiers étaient voulus. Il aura fallu deux ans pour l’apprendre, les archives et le bilan officiel des événements ayant disparus.
Cet ouvrage, basé sur des faits bien réels, évoque une sombre page de l’histoire de nos départements d’outre-mer et stigmatise les relents colonialistes de l’époque.
Owen MATTHEWS
Né à Londres en 1971 d’un père anglais et d’une mère russe, il étudie à Oxford et travaille comme journaliste en Europe de l’Est et Russie où il couvre de nombreux conflits (Tchétchénie, Irak, Afghanistan …). Il dirige Newsweek Moscou de 2006 à 2012 puis s’installe avec son épouse russe en Turquie.
Les enfants de Staline
Au cœur du Moscou postcommuniste, Owen Matthews ressuscite le destin brisé de ses ancêtres: l’ascension et la chute de son grand-père, l’odyssée de sa mère à travers la Seconde Guerre mondiale, la liaison passionnée de parents pris dans la tourmente communiste …
Une chronique familiale révélatrice de l’histoire d’une Russie obscure.
On y découvre son grand-père apparatchik soviétique victime des terribles purges staliniennes, sa mère élevée avec sa sœur dans les orphelinats du régime, la vie des Russes sous Staline puis pendant la guerre froide, pour finir avec une description sans complaisance de la Russie postcommuniste des années 90, déboussolée par les tragédies qui l’ont transformée.
On y découvre également la personnalité atypique de son père, anglais russophile et patriote qui refusa les avances du KGB, et l’histoire d’amour incroyable de ses parents à travers une correspondance passionnée.
Passionnante évocation de l’URSS et de la Russie à travers le destin tourmenté des parents de l’auteur.
J’ai beaucoup aimé ce récit qui se lit comme un roman et ressuscite le destin brisé des ancêtres de l’auteur et celui de la Russie. Un récit qui nous offre une vision de ce qu’a pu être le quotidien pendant cette période tragique de l’histoire. Si la Pérestroïka a fait souffler le vent de l’espoir, c’est un peuple désabusé qui regarde et s’accommode d’une poignée d’hommes devenus milliardaires et d’une violence et d’une corruption qui sont devenues monnaie courante.
Un éclairage intéressant des 100 dernières années du plus vaste pays du monde responsable de bien des tourments de notre monde actuel.
Cécile CABANAC
Née en 1976 au pays Basque, elle étudie à Bordeaux et fait l’école du journaliste de Lille. Elle travaille pour TF1 et reprend une carrière universitaire puis se consacre à l’écriture en 2012 en se spécialisant dans les polars, sa marque de fabrique : le sordide, le poisseux, le glauque … c’est noir mais pas sanglant !
Le chaos dans les veines
On démarre cette histoire macabre dans une cabane en plein bois.
L’inspecteur chargé de l’enquête, Rémy Brisseau, n’a pas envie de s’attarder dessus. Il est muté et doit quitter la région avec femme et enfants, il y met donc beaucoup de mauvaise volonté
Sa lieutenant, Marianne Decointet, ne manque pas d’exprimer son mécontentement à le voir faire le strict minimum.
Pourtant, la victime est une ex-flic acharnée dans son boulot et ils vont devoir également trouver qui est le second cadavre qui git dans une cuve d’acide dans la même cabane.
Deux dossiers traités en parallèle : l’enquête avec Brisseau en 2019 et la seconde avec l’avocat Rodolphe Gantz qui commence en 1983.
En développant sur deux époques les tortueux progrès des enquêtes hantées de personnages plus détestables les uns que les autres, l’auteur tire les nombreux fils d’une intrigue complexe et sophistiquée destinée à nous embobiner…
Au premier abord, l’affaire semble simple : suicide.
Vous aimez les sacs de noeuds ? Les rebondissements ? Les fausses pistes ? Les pervers diaboliques ? Les mensonges et les secrets de famille ?
Un polar noir, très prenant, avec divers thèmes abordés : meurtres, avocats, père et mère carriéristes, maltraitance, mensonge, non-dit, cruauté, jalousie, tueurs, viol, trafics, argent, secte… se servir des autres, les utiliser et les manipuler.
J’ai bien aimé ce thriller où les deux histoires n’en sont réellement qu’une. J’admire l’imagination de ces écrivains capables de peindre la noirceur des hommes tout en nous transportant dans leur propre monde.
David GRANN
Né en 1967 à New York, fils d’une éditrice et d’un médecin, il se consacre au journalisme d’investigation.
David Grann est reconnu pour ses reportages approfondis et ses enquêtes minutieuses sur une variété de sujets, notamment les crimes, les mystères historiques et les événements peu connus de l’histoire. Ses articles au long cours pour The New Yorker ont été très appréciés et ont remporté de nombreux prix prestigieux.
Les Naufragés du Wager
En 1740, le Wager et ses deux cent cinquante hommes appareillent au sein d’une petite escadre de la Couronne britannique, avec pour mission la capture d’un galion espagnol revenant des Indes chargé d’or.
Retardée par les avanies d’un recrutement si difficile qu’il a fallu rafler l’équipage parmi les indigents, les repris de justice et les vétérans malades ou estropiés, l’expédition aborde l‘enfer du Cap Horn à la pire des saisons. Drossé sur les rochers d’un bout de terre surgi des ouragans, le Wager se disloque, laissant miraculeusement la vie sauve à une partie de l’équipage et de ses officiers. Habitués à cette prison flottante coupée du monde où sévissent sans merci promiscuité, épidémies – typhoïde, typhus, scorbut – et autorité de fer, les survivants vont pourtant passer, sur leur île déserte, par tous les cercles imaginables de l’enfer : mutinerie, cannibalisme.
Puis, le groupe, scindé en différentes factions, trouve le moyen d’embarquer sur des gréements de fortune pour plus d’un an d’une navigation hagarde vers la civilisation. La poignée de fantômes méconnaissables et à peine humains que le monde verra surgir d’un presque au-delà n’en auront pour autant pas fini de se battre pour défendre leur peau. Commencera alors en effet l’heure des comptes : abandon de poste, mutinerie, meurtre… respect du code maritime britannique.
Un superbe roman d’aventure basé sur des faits historiques, c’est souvent mieux que des fictions pas toujours réalistes. J’ai bien aimé ce voyage dans ces contrées lointaines au cœur du XVIIIème siècle ou l’auteur n’hésite pas à prendre à bras le corps les questions qui fâchent (colonialisme, impérialisme, racisme) et à sortir de l’oubli les inuits qui sauvent quelques naufragés. Une lecture immersive dans une époque bien différente de la nôtre.
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Livre 4